top of page

Quatre miniatures romaines

 

 

En écho à ce qui fut

La couleur des pierres

Crie

Plus fort que ce qu’elle était,

Dans la crudité de sa lumière

Que les mots seuls ne pouvaient

Ni transcrire ni

Rappeler,

Ni même garder sous la coupe du souvenir.

 

 

 

L’incandescence des murs avait troué

Le négatif inscrit

Au fond d’un temps

Enfoui, enfui,

Jusqu’à transpercer le film,

Le brûler pour

Nier

La violence du flot

Des couleurs.

 

Ressusciter les pigments des pierres,

Calcinées,

Consumées jusqu’à la racine,

Jusqu’à confondre leur chair en amas cendrés.

 

 

 

Ocres, orangés,

Noirs fendillés s’insinuant dans les fissures,

Placards de bruns  grossièrement étalés,

Rouges salis,

Jaunes craquelés,

Se soulevant par plaques pour laisser,

Frustes et nus,

Les moellons

S’exhiber paisiblement,

Immuables.

 

 

 

L’image sépia

S’efface peu à peu,

Au profit de

La nuit,

Qui dévore

Les contours, s’abat

Sur les dômes,

Glisse sur les tuiles

Et emporte, loin

Dans les trouées de lumière ce que

L’œil

Avait cru pouvoir

Retrouver.

Sur tes traces
Ma chaîne

Ma chaîne

Voir

Cinglés

Variations sur le thème de la Folie

Chapeau.

Petit chapeau gris

Pendu à la patère,

Dans le couloir.

Gris lui aussi.

A côté

Du chapeau de paille

Bord gauche ensanglanté.

Dans un couloir d'école,

A côté du feutre rond,

Imbibé de vapeurs

D'alcool

Et de fumée.

Il n'y a pas

D'école.

Seulement un couloir,

Des cris,

Du silence

Et de l'attente.

Uniquement de l'attente.

Du désir

De fin

Dans un couloir

Qui n'en a pas.

S'arracher dix vers lapidaires,

Un carré de tournesols ivres,

Mettre au monde un onyx aux forceps.

Noir.

La nuit crie sous la lune

Qui a pris ses quartiers

Ce soir.

Votre nom?

Je ne sais pas.

Votre nom ?

Je vous dit que j'ai oublié.

Votre nom?

Camille, Vincent, Toto le Mômo,

Fernando, dit Alvaro, dit Bernardo,

Dit que sais-je encore,

Dit qui sais-je encore,

Peu importe

Puisque vous savez

Que je ne suis plus.

La petite Dame

Pensivement

A regardé son paquet

De cigarettes,

Son chapeau triste

Posé sur la table

Rouge,

A pianoté du bout des doigts

Sur la table cerclée de fer

Blanc,

Puis s'est dit

Mieux vaudrait m'en aller

Travailler mon piano

-Enfin pour cela il faudrait

Répingler son chapeau

Sur sa tête de cheveux cendre,

Pour cela il faudrait

Remettre un peu d'ordre

Dans la grisaille de ses pensées

Alors elle préfère suivre des yeux

Les minces volutes de fumée.

S’arrêter

Un moment ,

T’écrire dix vers

Insaisissable aimé,

Sur la chaise de paille

À la terrasse du café

-Pour peine,

Je ne sais pas écrire

De poèmes d’amour.

Alors reprenons le chemin des fous,

Là est sûrement la raison.

Il aurait fallu s’enfouir

Dans la conque de ses oreilles,

Oublier la rumeur du boulevard

Et la toile de fond de la radio,

Les touristes en goguette,

La ligne 20 du bus,

La colonne Morris

Dont les affiches sous la pluie

Auront pleuré demain peut-être,

La ville qui bruisse, qui crisse

Sous les talons des badauds

Et les pneus des taxis,

Les conversations ineptes

Aux tables des cafés,

Les importuns quotidiens,

Les amis de passage,

Le printemps qui éclôt

En bourgeons dans les arbres,

-Puis rejoindre le trou noir

Qui poursuit chaque instant

A tous les points du globe

A tous les points du temps.

bottom of page